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(RE)INDUSTRIALISER LES VILLES ET TERRITOIRES, COMMENT ?

  • Photo du rédacteur: eohannessianpro
    eohannessianpro
  • 28 nov. 2023
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 nov. 2024


Le sujet de la (ré)industrialisation des territoires, et de la ville en particulier, est complexe. Plusieurs évènements (Rencontres du Made In France Paris mars 2022, Journée d’études « Intégrer les activités productives dans les villes et territoires », du 7 novembre organisée par le PUCA, Usine du futur du Salon MIF au Parc des Expositions de la Porte de Versailles Novembre 2022) et lectures apportant un éclairage sur les différentes questions en jeu, amènent à s’interroger sur certaines orientations et à élargir les réflexions.


⛳️ Sur la question du foncier des pistes se dessinent : Comment permettre le développement des activités dont la production immobilière est moins valorisante financièrement pour les aménageurs et opérateurs immobiliers qu’une production de logements? Tel que le rapportait Muyinat OGBOYE VAZIEUX (Territoires d'industrie EPT Grand Orly Seine Bièvre), l’urbanisme opérationnel (PLUI) peut être une réponse, via :

  • la sanctuarisation de zones dédiées à la réalisation d’activité

  • et la prise en compte d’une nécessité de péréquation financière dans les opérations d’ensemble.

Un lien peut être fait avec une analyse des conditions d’implantation menée chez Matrice dans le cadre d’une mission de diagnostic sur la dynamisation de la filière des artisans d’art. Malgré la spécificité de cette filière, beaucoup de caractéristiques sont comparables à celle de l’activité de manière générale. Il est ressorti que sans une intervention opérationnelle des collectivités (maîtrise foncière, encadrement de l’affectation, intervention sur les valeurs foncières ou les loyers) l’implantation des artisans en centre urbain n’est pas possible pour les raisons concurrentielles et financières évoquées au-dessus.


🏢 Sur la question immobilière-architecturale, ayant travaillé à la conception de bâtiments d’activité productive, il ressort que la forme architecturale est directement déterminée par les contraintes de fonctionnement :

  • Sécurité des marchandises,

  • Stockage et manœuvres logistiques,

  • Encombrement des machines, de chaînes de production continues,

  • Poids des machines, vibrations, bruits…

Ces contraintes déterminent les caractéristiques du bâti : sur-hauteur, volumes libres, capacité de plancher, fermeture et isolation, lesquelles entraînent souvent la production de bâti monobloc et peu ouvert sur l’extérieur.

Malgré une tendance à la densification de la forme du bâti d’activité versus son étalement au sol, ce parti de forme et de caractéristiques est apprécié des industriels : Exemple de témoignages d’entreprises interrogées à l’occasion du salon MIF:

  • L’entreprise Broussaud, retraçant l’historique de l’usine, a évoqué le fait qu’à une époque les matières premières se trouvaient dans un bâtiment distinct de celui de la production, de l’autre côté de la rue. N’étant pas fonctionnel, cela avait motivé l’entreprise à chercher un autre local pour regrouper les fonctions.

  • L’usine Le Mahieu, fabricante de vêtements présentait à l’Usine du futur du salon MIF la fabrication d’un « slip français ». 4 machines différentes sont nécessaires pour la fabrication du fameux slip, avec nécessité de proximité entre chacun des différents postes. Il semble difficile de morceler les chaînes.


L’architecture d’activité productive est couramment massive et hermétique, jusqu’à parfois générer des enclaves urbaines difficiles à franchir, d’une dimension qui n’est pas celle du piéton. De fait le bâti industriel est-il toujours compatible avec le tissu mixte ouvert de l’urbain dense ? Son architecture peut-elle être repensée de façon plus urbaine sans que cela affecte sa qualité fonctionnelle d’outil de production ? Et, à l’heure où de nombreuses friches amènent à reconvertir du bâti industriel ne devrait-on pas aussi anticiper la convertibilité des bâtiments productifs ?


🚛 Sur la question des usages, le sujet semble plus complexe : Comment l’activité peut-elle être compatible avec les autres fonctions de la ville ? Une activité peut-elle cohabiter avec du logement ? Alors que des industriels, ou des artisans interrogés voient un intérêt à être en périphérie de ville pour des questions fonctionnelles (approvisionnement, espace, distance du voisinage), on peut interroger le bien-fondé de l’implantation d’activité en ville ou au moins de l’importance de préciser l’activité. Toutes les activités sont-elles compatibles avec les usages urbains ?

  • L’activité est souvent définie par l’acte de transformation de matière impliquant des flux entrants de matière ou produits bruts et des flux sortants de matière transformée ou de marchandises. De fait alors que la ville s’apaise, réduisant la circulation automobile et la repoussant de plus en plus en périphérie, ramener du flux est-il vraiment cohérent ?

  • La réflexion sur les flux liés à l’activité est déjà fortement poussée par la question de la logistique urbaine, mais le rapprochement de la logistique des habitants trouve son sens dans le fait que l’habitant en est l’utilisateur final. Selon cette logique on pourrait s’interroger sur l’intérêt de rapprocher certaines activités des fonctions urbaines denses, au regard de leurs interactions ou non-interactions fonctionnelles avec celles-ci ?

  • D’autre part, l’activité peut être bruyante, vibrante, encombrante, occasionner des déchets. Bien que traité ou géré dans le respect des différentes réglementations concernées cela peut être dérangeant dans le cadre d’une cohabitation quotidienne et à l’heure ou le télétravail a rendu les habitants plus présents dans la ville aux heures où l’activité produit.


Il ressort ainsi l’intérêt de préciser les activités, notamment celles dont le fonctionnement est compatible avec les autres fonctions de la ville, et dont le rapprochement trouve un sens dans les interactions existantes ou souhaitées avec ces autres fonctions (comme l’artisan d’art qui a besoin d’un espace de production mais aussi de vente visible et accessible).

Dans le cas où l’intégration de l’activité dans le tissu urbain dense aurait aussi pour ambition la valorisation de l’activité productive, souvent peu visible, opaque, la question pourrait être réorientée. Peut être peut-on s'interroger sur l’espace occupé actuellement par l’activité, sur la notion de périphérie ou de zone industrielle et l’enjeu de leur valorisation, pour en faire des places dynamiques. Dans ce sens, l’entreprise Le Mahieu (Martin Breuvart) a développé sur son site un Tiers lieu dont la gestion a été confiée à une entreprise d’économie sociale et solidaire. Y sont proposés : recyclage de machines, récupération de chutes, boutique, et visites de l’usine. Cela participe à animer le site, faire connaître les métiers industriels et valorise leur filière.


🧑🏻 🔧 Sur la question essentielle des savoir-faire, le secteur souffre de difficultés de recrutement, de conservation et de transmission des savoir-faire. Ainsi, à l’occasion des rencontres du MIF, Jean-luc HYVER de la Tricoterie du Val de Saire témoignait de la difficulté de l’entreprise à recruter pour des métiers spécifiques. Cela avait eu pour conséquence d’arrêter certains services alors même que la demande était existante. Antoine BEAUSSANT, fondateur de l’Institut de formation technique de l’Ouest IFTO, constate un manque de formation des jeunes aux métiers industriels alors même que le les industriels confirment les besoins de production et de ressources humaines.

Des solutions éparses et individuelles sont proposées comme la formation ou la capitalisation des savoir-faire interne. Pour exemple la Tricoterie du Val de Saire a filmé chacune des opérations pour en assurer la transmission. Mais qu’en est-il d’une démarche plus globale permettant une véritable valorisation et dynamisation de la filière. Quelques actions évoquées :

  • La valorisation des métiers proposée par Alexandre Clary de Kidur. A l’occasion du développement de la marque, avait été demandé aux collaborateurs d’aller plus loin que leur métier et de s’exprimer sur leurs compétences, cela permettant aux équipes d’évoluer.

  • Une sensibilisation des jeunes à la filière industrielle directement et via l’implication des enseignants et responsables d’orientation (certains propos recueillis témoignent du fait que les voies techniques et industrielles sont souvent présentées comme dernier choix d’orientation ou comme alternative à l’échec dans une voie générale). Matrice l’Ecole, qui propose des formations au numérique, a, dans le cadre d’une expérimentation, mené, dans un lycée, une action de sensibilisation au numérique, en présentant le secteur et les débouchés possibles. Cela afin que les élèves puissent intégrer dans leur choix d’orientation la filière numérique comme une voie possible. Peut-être, ce type d’action pourrait-il être fait pour le secteur industriel ?

  • Le développement de formations plus adaptées aux besoins des industriels.

  • La constitution d’une banque des savoir-faire, comme y réfléchit l’institut Matrice.


Il apparaît donc que le développement de l’activité ne pourra se faire sans travailleurs. Comment alors donner plus de visibilité à ces débouchés, et préserver les savoir-faire ?

Il ressort clairement que le sujet de l’industrialisation des territoires et de l’activité productive en ville soulève de nombreuses questions pour lesquelles il est intéressant de croiser les regards et faire échanger les expertises. Les solutions viendront certainement des territoires du fait de leur diversité, mais il semble indispensable qu’un cadre général soit mis en place à une échelle plus large, et que les réflexions intègrent le plus d’expertises possibles : urbanistes, industriels, artisans, habitants, architectes, logistique, attractivité territoriale, communication, formation, éducation, ...

Merci à POPSU - Plateforme d'observation des projets et stratégies urbaines Isabel Diaz pour la Journée d’Etudes, et aux différentes personnes rencontrées pour les échanges tenus et leurs témoignages Manufacture de vêtements Kidur Kickmaker LEMAHIEU Cycle Terre TRICOTERIE DU VAL DE SAIRE



 
 
 

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