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RECONVERTIR LES CENTRES COMMERCIAUX (13 Juillet 2023)

  • Photo du rédacteur: eohannessianpro
    eohannessianpro
  • 28 nov. 2023
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 nov. 2024


957 000 m2 de surfaces de centres commerciaux seraient inutilisés en Ile de France.

Selon une étude de l'Apur - Atelier parisien d'urbanisme, le grand commerce (surface de plus de 1000 m2) compte 5,8 millions de m2 en Ile de France. Le taux de vacance des centres de la région est de 16,5%, pour une moyenne nationale de 13,7%. Cela a de quoi retenir l'attention, d'autant que certains usages peinent à se loger, et que cette vacance transforme certains centres commerciaux en non-lieux. Le foncier est une ressource précieuse, et la construction pollue et consomme nos ressources, de fait, nous devons optimiser l’exploitation de l’existant. Face à ces constats, les grands centres commerciaux délaissés sont un potentiel de projets urbains précieux. Il est urgent de se saisir du sujet de leur reconversion.

Les nombreuses raisons de leurs désertions mettent en lumière les enjeux environnementaux et sociaux dont ils relèvent. Il est important de les considérer pour aborder leur reconversion.


Un peu d’histoire…


Le premier grand centre fermé et piétonnier a ouvert en 1956 à Minneapolis. Dans un environnement de lumière naturelle, de cages d’oiseaux et d’arbres d’eucalyptus, s'y déployaient : cour centrale, jardins, formes artistiques intégrées au commerce de détail, et divertissements. L’atmosphère y incitait les visiteurs à prolonger leur parcours et à acheter. Malgré le succès de cette réalisation, son architecte Victor Gruen fut déçu. Alors qu'il voyait dans le centre commercial de banlieue un moyen de créer de la vie communautaire dynamique, le centre, retourné sur lui-même, a contribué à la détérioration urbaine et économique des centres-villes. Apparaissaient donc, dès la naissance du concept, des externalités négatives. Elles sont aujourd'hui nombreuses et constituent les enjeux de la reconversion de ces sites.


Un concept inadapté aux nouveaux modes et motivations de consommation.


Plusieurs facteurs contribuent à une changement de la consommation.

La difficulté du pouvoir d'achat (hausse des prix, stagnation des salaires…) amène les consommateurs à arbitrer les dépenses qui ne sont pas pré-engagées (loyer, internet…), et à dépenser moins, or la déambulation dans le centre commercial invite à l’achat impulsif.

La sensibilisation croissante aux problèmes de la planète, et aux effets de la consommation, amènent à une consommation plus responsable, engagée. Citons l'exemple de l'industrie textile à laquelle le site de l'ADEME sensibilise. Ainsi la production textile représente :

  • 100 Milliards de vêtements vendus chaque année dans le monde,

  • 4 milliards de tonnes d'équivalents CO2 par an,

  • 26% des émissions globales de GES en 2050 si les tendances globales de consommations se poursuivent,

  • 3ème secteur consommateur d'eau dans le monde après la culture du blé et du riz,

  • Et est principalement constituée de polyester dont les fibres proviennent du pétrole, et qui relâchent des microfibres plastiques à chaque lavage au point qu'on les retrouve sur nos rivages (90% des microplastiques trouvés sur les rivages de Suède constitués de fibres synthétiques)…

De quoi motiver au réemploi. On voit dans ce sens se multiplier les solutions de recyclage vestimentaire ou de réparation, seconde vie…Ainsi, 9 français sur 10 envisageaient de modifier leurs dépenses en 2023 avec notamment une consommation plus responsable. 1/3 des Français sont prêts à se tourner vers le marché de l'occasion pour équiper leur maison.


Enfin, bien que l’achat en magasin physique reste le mode d’achat principal, on observe une croissance importante de l’achat en ligne. La consommation d'aujourd'hui ne se retrouve donc pas dans l’ancien grand centre commercial. De nouveaux concepts tournés vers les loisirs, la restauration, apparaissent mais cela ne suffit pas. Les activités proposées doivent intégrer les nouvelles préoccupations (alimentation responsable…) et proposer de nouveaux usages.


A l’heure de la frugalité énergétique, la conception et l’exploitation des centres est consommatrice d’énergie.


Les centres commerciaux sont les plus grands consommateurs d'énergie. Un centre consomme 450 à 750 kWh/m2/an quand un hôpital ou des bureaux en consomment 225 à 250 kWh/m2/an ou encore du logement collectif 160 kWh/m2/an (Etudes Costic 2021). Souvent conçus aveugles (centrer sur l’intérieur, sans vue sur l’extérieur et lumière naturelle) pour mieux plonger le visiteur dans un univers de consommation, l'éclairage y est le 1er poste de consommation. Selon une étude du BET Barbanel (à laquelle fait référence le cahier « centre commercial 2030 » de l’Ecole d’architecture de la Ville & des Territoires Paris-Est), il représente 37 à 66% de la consommation totale selon qu'il s'agisse des parties communes ou privatives. Bien que certains opérateurs de centres affichent une diminution de leurs consommations d’énergie, ces résultats ne concernent que les espaces communs dont ils sont responsables. Hors la consommation des centres commerciaux provient à quasiment 75% des espaces privatifs.


Il y a donc un véritable enjeu de reconversion énergétique, lequel devrait être aborder dans une approche globale. La performance doit être portée par les espaces communs autant que les espaces individuels. Cela pose alors la question de la restructuration technique climatique de ces centres mais aussi des modalités de leur exploitation.


La conception monofonctionnelle des anciens grands centres en fait des éléments peu urbains


Les anciens centres commerciaux ont été conçu comme des lieux de destination monofonctionnels pour répondre aux besoins des consommateurs à l’époque de l’avènement de l’automobile et de la consommation de masse. Hors nous sommes aujourd’hui à l’heure de la ville du quart d’heure, de la circulation douce, décarbonée, de la consommation locale, de la densification des usages, et de la reconquête du lien social. Autant de préoccupations participant à la résilience de notre environnement et de notre société, et qui ne trouvent pas écho dans la conception du grand centre commercial en déshérence. Plusieurs caractéristiques sont à considérer.


Le caractère monofonctionnel du bâti : la destination du centre à un usage unique l’a rendu difficile à réaffecter et l’a voué à l’obsolescence. L’évolution constante de nos comportements nécessite des locaux flexibles, convertibles, permettant la mixité d’usages. Les centres doivent permettre une programmation urbaine avec l’introduction de services (centres médicaux), d’art (Nœud mécanique de Leandro Erlich au Bon Marché)...Il y a un véritable enjeu à repenser la programmation de ces centres non seulement comme des centres de loisirs mais surtout comme des centres urbains. L’introduction, déjà faite dans certains grands centres, de services, tels que des centres médicaux, ou d’animation artistique comme les installations artistiques éphémères avec le Nœud mécanique de Leandro Erlich au Bon Marché, en sont des exemples.


Le caractère fermé sur lui-même : L’objectif du centre est de faire consommer. Partant du constat (étude Emporium Link) que les montants dépensés croissent avec le temps de visite, l’enjeu était de garder les visiteurs captifs le plus longtemps possible. La conception d’un espace totalement fermé participait à limiter l’évasion. Cela a pu avoir l’effet de produire des espaces non urbains déconnectés de leur environnement. Hors une fois désertés ces centres ont pu devenir de véritables enclaves urbaines et de dysfonctionnements. Il y a donc un véritable enjeu à ouvrir les grands centres sur la ville pour faciliter les nouveaux usages, plus de vie sociale, mieux intégrer leur programmation dans la planification territoriale et éviter les dysfonctionnements (concurrence)


Les enjeux de reconversions des centres commerciaux délaissés évoqués sont donc multiples : sociaux, environnementaux, urbains…. Ils relèvent pour la plupart d’un intérêt collectif. Seulement, les grands centres commerciaux sont souvent des biens privés, appartenant à des foncières dont l’activité est essentiellement financière. Le défi est alors de valoriser une reconversion dont la valeur est pour partie immatérielle auprès d’acteurs dont le raisonnement est exclusivement matériel.


Par où commencer / continuer ?

Peut-être pourrions-nous commencer par nous interroger sur la valeur de ces biens et la responsabilité de leur devenir.

La financiarisation de l’immobilier a transformé les locaux commerciaux en outils financiers dont la valeur des murs est fonction des loyers attendus. Dans cette logique un local commercial vide n’aurait donc aucune valeur. Mais nous pourrions aller encore plus loin et le considérer comme un bien négatif. Par analogie, lorsqu’un terrain est pollué, il arrive qu’on lui donne une valeur négative, car sa reconversion peut nécessiter des travaux de dépollution qui dépassent la valeur du terrain lui-même. Ne s’agirait-il pas aujourd’hui de considérer les grands centres commerciaux vides comme de potentielles pollutions, pour encourager leur reconversion ? Un travail serait alors à faire sur la mise en comptabilité de la dévalorisation avec les enjeux financiers des actionnaires.

Les grands centres sont le résultat d’opérations financières, immobilières, d’aménagements. Leur désertification pèse, certes dans le bilan de la foncière qui détient l’actif, mais surtout sur le territoire de la collectivité par les dysfonctionnements urbains qu’il génère. Ne s’agirait-il donc pas ici de partager la responsabilité de la reconversion et que tous les acteurs ensemble construise sa seconde vie ?

Enfin de nombreuses opérations de revitalisation se font aujourd’hui avec l’intervention d’acteurs associatifs, de l’ESS, ou de foncières solidaires. Leurs activités et modèles participent à la résilience des territoires via leur capacité d’ancrage et leur caractère engagée et responsable. Ne s’agirait-il pas d’intégrer ces acteurs en amont pour permettre une reconversion pérenne et responsable ?


 
 
 

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